I. éclosion d'un être.
Des cris, des larmes. De la joie, du bonheur. Un nouveau-né dans les bras, un sourire sur les lèvres. Il prend l'enfant de ses bras. L'observe. Il est un fin mélange d'eux deux. Un futur héritier rejoint les rangs de la famille. Ils sont heureux. C'est un garçon. C'est leur premier fils et probablement le seul. Lorsque c'est possible, ils rentrent à la maison. Elle est largement plus confortable que l'hôpital. Il faut dire que leur compte en banque est assez rempli pour que ce soit le cas. Et cela grâce à leur entreprise, celle-ci est assez connue et rencontre un succès mérité. An. C'est le prénom qu'ils ont choisi. Ça veut dire 'paix'. Au final, c'est plutôt risible car c'est après la naissance de An que tout est parti en fumée.
Quelques mois plus tard, elle a découvert la triste vérité. Il l'avait trompée. Oh non, ce n'était pas le pire. Il avait eu un enfant hors mariage. Environ un an avant la naissance de An. Encore un garçon. Sloan. Né avant et d'une autre. Elle qui, en connaissant sa place dans la société, ne devait rien dire, accepter, en était incapable. Elle ne pouvait pas supporter cette trahison des plus détestables. La seule porte de sortie qu'elle avait, c'était l'addiction. Shopping, alcool, cachets. Elle cherchait à s'éloigner, oublier du mieux qu'elle pouvait sa naïveté. Comment avait-elle pu croire qu'il la garderait dans son pantalon ? Qu'il valait mieux que les autres ? Elle se détestait pour les illusions dans lesquelles elle s'était bercée.
An, il en a souffert indirectement.
Tu me détestes. Parce que quand tu me regardes, tu le vois. Il avait des traits similaires à ceux du paternel. Le sourire, le regard difficile à percer. Elle le voyait en son fils. Ce n'était qu'un gosse, pourtant, elle l'évitait. An, il ne lui en a pas voulu. Enfin, il a appris à vivre comme les autres gamins blindés. Dans l'indifférence la plus logique, assumée. Les dîners n'étaient pas des plus chaleureux mais la routine s'était installée. Elle avait ancré ses griffes dans les Liu. S'était rendue indispensable, nécessaire à leur équilibre.
An, il n'a pas grandi dans un foyer où l'amour est capital. Cependant, comment pourrait-il manquer de quelque chose qu'il ne connaît pas ? Il a fait avec.
Ne me regarde pas comme ça. Je ne suis pas lui. Je suis moi et j'ai besoin de toi. Elle baisse les yeux. Encore une de ces crises-là. Elle se lève et quitte la table. Ils ne la retiennent pas. Ils n'essaient même plus. C'est tellement ordinaire maintenant. Presque même depuis la naissance de An.
Je suis une partie de toi et tu me rejettes. Tu fais comme si je n'existais pas. Est-ce que tu m'aimes quand tu ne le vois pas en moi ? II. pas encore fané
Est-ce que tu as compté ? Oui. Est-ce que tu as pris la peine de voir que j'existais, que je grandissais pendant ton absence ?An, on lui a bien appris. On l'a préparé depuis qu'il était en âge de marcher. On a fait de lui une machine de guerre. Cours de piano, de tennis, d'anglais, de tout et n'importe quoi. C'est un successeur. Et il doit en avoir l'aplomb, le charisme et les compétences. Il est le futur des Liu. Pourtant, il n'a pas choisi tout ça. Non, c'était juste avec le nom de famille qu'on lui a offert.
Son père. Il a fait en sorte que son fils soit un gagnant, quelqu'un qui peut tout faire, tout réussir mieux que les êtres humains. Mais cet homme-là, il n'est jamais venu aux compétitions d'art martial, de tennis ou aux concerts de violon. Non, c'était juste le nom sur le chèque qui payait, le contact en cas d'accident. Un fantôme de géniteur.
An, il a été entouré par des fantômes. Son père. Sa mère. Puis y'en a un autre qui est arrivé en cours de route. Quelques lettres, un lien du sang. Un demi-frère servi sur un plateau.
Sloan. Sloan, c'était l'alien. La pièce rapportée.
Au début, c'était rien. Rien entre eux. Deux étrangers qui apprennent à se connaître. Oui parce que Monsieur Liu, il disparaissait de la maison plus facilement qu'un mort de la Terre.
Sauf qu'aujourd'hui, ils ont grandi.
Jalousie. Besoin de l'autre. An, il a des doutes. Il sait qu'il lui cache quelque chose. Que derrière cette façade, il y a un secret. Il en est certain parce que c'est aussi son cas.
Oui, le fils prodige est dans la tourmente.
Je le veux mais j'ai pas le droit. Non, je peux pas le vouloir comme ça. Il le dévisage, il l'envisage et se déteste pour ça. Est-ce qu'il est malsain ? Est-ce que c'est juste une illusion dans laquelle il se réfugie ?
An, il se plonge dans ses espoirs d'un futur meilleur pour oublier.
Oublier ça, ce désir malsain, inacceptable. Il est enchaîné à ce tourbillon.
Prisonnier aux chaînes invisibles.